Obligations du locataire dans un bail résidentiel
Avocats situés à Laval
Principales obligations du locataire en contexte de bail résidentiel
1. Payer le loyer convenu à la date convenue (art. 1855, art. 1903, art. 1904 et art. 1905 C.c.Q.)
Une des obligations principales du locataire est de payer le loyer. Le loyer sera prévu au bail et à défaut d’entente à l’effet contraire, sera payable le premier jour de chaque terme. [1] Si aucun lieu de paiement n’est prévu au bail, il sera payable chez le locataire.[2]
L’article 1904 du Code civil du Québec stipule que le locateur ne peut exiger que chaque versement excède un mois de loyer; il ne peut exiger d’avance que le paiement du premier terme de loyer ou, si ce terme excède un mois, le paiement de plus d’un mois de loyer. Le locateur ne peut, non plus, exiger une somme d’argent autre que le loyer, sous forme de dépôt ou autrement, ou exiger, pour le paiement, la remise d’un chèque ou d’un autre effet postdaté.[3]
Cet article est d’ordre public et interdit au locateur d’exiger des loyers d’avance.[4]
Il est extrêmement important de porter notre attention au terme « exiger » mentionné à l’article 1904 C.c.Q. En effet, bien qu’un locateur ne puisse exiger un dépôt d’une somme excédant un mois de loyer, il est en droit de l’accepter si tel dépôt est payé à l’initiative du locataire.[5]
Le locateur ne peut pas exiger le paiement du loyer via des chèques postdatés. En effet, une telle stipulation prévue au bail est sans effet et doit être considérée comme nulle.[6]
2. Utiliser le logement avec prudence et diligence (art. 1855 C.c.Q.)
L’expression « utiliser le logement avec prudence et diligence » veut dire que toute obligation incombant au locataire doit être exécutée soigneusement et promptement.[7]
Cette obligation peut être vue comme étant une obligation parapluie qui s’applique à toutes les autres obligations en matière de louage résidentiel ainsi qu’aux obligations non spécifiquement prévues, soit l’interdiction de se livrer à des activités illégales dans les lieux loués, par exemple.
Un jugement est intervenu contre un locataire après que celui-ci ait empêché le locateur d’exécuter des travaux de réparations nécessaires dans le logement pour manque de prudence et diligence.[8]
La pratique d’activité illégale comme le trafic de drogues dans le logement contrevient à l’obligation d’utiliser le logement avec prudence et diligence et ce manquement peut justifier la résiliation du bail.[9]
Dans un autre cas, un locataire souffrant de sclérose en plaques et de troubles majeurs de mobilité a vu son bail être résilié puisqu’il refusait d’arrêter de fumer, n’usant donc pas de son logement avec prudence et diligence dû au risque élevé d’incendie dans l’immeuble.[10]
3. Ne pas changer la forme ou la destination du logement (art. 1856 C.c.Q.)
« Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué ».[11]
Les parties impliquées au bail ont l’obligation de conserver l’aspect général de l’espace loué. Un locataire ne peut pas, unilatéralement, décider d’abattre des murs, d’ouvrir le plafond ou de changer l’apparence du logement de façon extrême.
Si le locataire décide tout de même de contrevenir à cette disposition, il s’expose à voir son bail résilié en plus d’être condamné à des dommages-intérêts en faveur du locateur pour réparer le préjudice subi.
L’article 1922 du Code civil du Québec accorde cependant au locateur le droit d’effectuer des améliorations ayant un caractère permanent.[12]
Quant à la destination du logement, dans notre cas, on parle d’un logement qui doit servir exclusivement à l’habitation, sous réserve d’une entente entre les parties.
Le bail a été résilié dans Poirier c. Brito après qu’un atelier de céramique ait été aménagé dans le logement, changeant ainsi la destination des lieux loués.[13]
Dans une récente décision rendue par la Régie du logement, un locateur demande la résiliation du bail basé sur l’article 1856 du Code civil du Québec parce que le locataire sous-loue son appartement sur Airbnb sans avoir au préalable obtenu le consentement du locateur, contrevenant aussi à l’article 1870 du Code civil du Québec. Il a été jugé que le locateur en subissait un préjudice sérieux et le bail a été résilié pour cause que la destination du logement avait été changée par les agissements du locataire.[14]
4. Maintenir le logement en bon état de propreté (art. 1911 C.c.Q.)
L’article 1911 du Code civil du Québec stipule que « le locateur est tenu de délivrer le logement en bon état de propreté; le locataire est, pour sa part, tenu de maintenir le logement dans le même état ».[15]
Une fois que le locateur a remis le logement au locataire en bon état d’habitabilité et de propreté, il est de la responsabilité du locataire de le maintenir dans cet état.
Le locataire a l’obligation de maintenir le logement en bon état de propreté. Le désordre n’équivaut pas nécessairement à la malpropreté, à moins qu’il ne soit de nature à causer un préjudice au locateur.[16]
Lorsqu’il a été prouvé que le locataire n’est pas en mesure de maintenir le logement en bon état de propreté, le locateur peut le mettre en demeure de quitter immédiatement les lieux et intenter les procédures judiciaires en cas de refus.[17]
5. Effectuer les réparations d’entretien dans certains cas (art. 1864 C.c.Q.)
L’article 1864 du Code civil du Québec fait mention des « menues réparations d’entretien » qui doivent être à la charge du locataire.
Qu’est-ce qu’une menue réparation d’entretien?
La jurisprudence est parfois contradictoire et la définition de l’expression citée ci-haut est plutôt difficile à cerner.
Par exemple, de façon générale, la peinture en cours de bail incombe au locataire. Il en va de même pour le nettoyage des tapis.
Dans S.E.C. 4906 c. Titane, la Régie du logement a statué que le sablage et vernissage d’un plancher était à la charge du locataire. En effet, l’apparence des planchers n’est pas liée à l’habitabilité du logement et les réparations s’y rattachant ne devraient donc pas être de la responsabilité du locateur.[18]
À l’inverse, tout ce qui ne constitue pas une « menue réparation d’entretien » est à la charge du locateur.
Par exemple, la remise en état d’une laveuse et d’une sécheuse comprises au bail doit être à la charge du locateur.[19]
Dans le doute, il est prudent de consulter un avocat qui pourra vous conseiller après avoir analysé les récentes décisions de la Régie du logement.
6. Subir les réparations urgentes et nécessaires (art. 1865 C.c.Q.)
L’article 1865 du Code civil du Québec stipule que « le locataire doit subir les réparations urgentes et nécessaires pour assurer la conservation ou la jouissance du bien loué ».[20]
Le locateur est également en droit d’exiger l’évacuation temporaire du locataire, sous réserve de certaines exigences prévues par la loi.[21]
Dans tous les cas, le locataire conserve, suivant les circonstances, le droit d’obtenir une diminution de loyer, celui de demander la résiliation du bail, ou en cas d’évacuation ou de dépossession temporaire, celui d’exiger une indemnité.
Qu’est-ce qu’une réparation urgente et nécessaire?
Chaque situation est un cas d’espèce qu’il faut analyser à la lumière des faits de la cause. En ce qui a trait à la nécessité, est-ce que le logement risque de se détériorer s’il n’y a pas d’intervention immédiate?
Par exemple, dans Zaveco ltée c. Paterson, un incendie a partiellement ravagé l’immeuble. Il est donc évident que les réparations étaient urgentes. Puisque les réparations étaient nécessaires et urgentes, il n’était pas requis pour le locateur d’obtenir la permission du tribunal avant de procéder.[22]
Un locataire qui refusait l’accès au logement aux ouvriers du locateur s’est vu ordonner de leur donner accès par le tribunal puisque des réparations majeures et urgentes devaient être effectuées dans le logement.[23]
7. Permettre la vérification de l’état du logement, l’affichage et sa visite à un locataire éventuel et les travaux qui doivent être effectués (art. 1857, 1930 et ss. C.c.Q.)
C’est l’article 1857 du Code civil du Québec qui est à l’origine de l’obligation du locataire de permettre au locateur d’accéder au logement dans certaines situations.[24]
« Le locateur a le droit de vérifier l’état du bien loué, d’y effectuer des travaux et, s’il s’agit d’un immeuble, de le faire visiter à un locataire ou à un acquéreur éventuel; il est toutefois tenu d’user de son droit de façon raisonnable. »[25]
Dans tous les cas, on parle ici d’une relation droit-obligation basée sur la bonne foi des parties impliquées. D’un côté, le locateur doit éviter de troubler la jouissance paisible du locataire. À l’inverse, le locataire doit être de bonne foi et autoriser l’accès au logement pour des motifs raisonnables.
Les articles 1930 et suivants du Code civil du Québec traitent plus particulièrement du cas d’un bail résidentiel.
Le locateur doit donner un avis d’au moins 24 heures de son intention de vérifier l’état du logement, d’y effectuer des travaux ou de le faire visiter par un acquéreur éventuel.[26]
À moins d’une urgence, le locataire peut refuser que la visite par un locataire ou un acquéreur éventuel se fasse avant 9 heures et après 21 heures. Il en est de même dans le cas où le locateur désire en vérifier l’état.[27]
Dans le même sens, le locataire ne peut refuser l’accès au logement au locateur lorsque celui-ci doit y effectuer des travaux, sauf si les travaux doivent être effectués avant 7 heures ou après 19 heures. Cependant, si les travaux sont urgents, ils peuvent être effectués en tout temps.[28]
Il a été reconnu qu’un locateur est en droit d’obtenir un double de la clé utilisée pour accéder au logement.[29] Également, un locateur est en droit d’obtenir le code du système d’alarme du logement.[30]
8. Ne pas changer les serrures du logement (art. 1934 C.c.Q.)
« Aucune serrure ou autre mécanisme restreignant l’accès à un logement ne peut être posé ou changé sans le consentement du locateur et du locataire. »
Cette obligation s’impose autant au locataire qu’au locateur de l’immeuble.
Dans le cadre de son droit d’accès au logement, le locateur est en droit de posséder une clé pour y entrer. Le fait de changer la serrure sans son autorisation contreviendrait à ce droit.[31]
À l’inverse, le locateur n’est pas en droit de changer les serrures de l’immeuble sans le consentement du locataire. En effet, dans Durocher c. Gestion immobilière Solitec, les locateurs ont changé le système magnétique d’accès à la propriété pendant que les locataires étaient en voyage. À leur retour, ils n’avaient plus accès à l’entrée de l’immeuble et devaient sonner chez les voisins afin d’y avoir accès. Peu de temps après, leur serrure d’entrée est également changée par les locateurs. Les locateurs ont été condamnés à payer une indemnité substantielle, soit 1 065$ en dommages-intérêts matériels, 1 000$ en dommages moraux et 4 500$ en dommages-intérêts punitifs.[32]
9. Se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires ou du locateur (art. 1860 C.c.Q.)
« Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires. »[33]
De façon générale, les voisins doivent accepter les inconvénients normaux qui font partie d’une vie en communauté. On parlera d’une faute de la part du locataire lorsque le comportement est anormal, excessif et fréquent. Il est cependant possible qu’un seul événement grave soit suffisant pour entraîner la responsabilité du locataire. On parle ici d’agressions, de menaces, etc.
Le locataire qui trouble la jouissance des autres sera responsable de réparer le préjudice subi par l’autre locataire ou le locateur.
Il faut noter que le locataire est également responsable des personnes à qui il autorise l’accès au logement.
Même dans les cas où la résiliation du bail pourrait être justifiée, le tribunal substitue parfois à cette résiliation des ordonnances visant à corriger la situation afin de permettre au locataire de demeurer dans les lieux.[34]
10. Aviser d’une défectuosité ou détérioration substantielle (art. 1866 C.c.Q.)
Le locataire qui a la connaissance d’une défectuosité ou d’une détérioration substantielle a l’obligation d’en aviser le locateur dans un délai raisonnable.[35]
Si le locataire ne dénonce pas la défectuosité dans un temps raisonnable, la Régie du logement pourrait être réticente à lui donner raison s’il devait se plaindre de cette défectuosité dans le futur.
Cependant, il est à noter que la dénonciation par voie de mise en demeure n’est pas requise lorsque la défectuosité ou la perte de jouissance est connue du locateur ou est causée par son propre comportement.[36]
L’obligation de mitiger ses dommages prévue par l’article 1479 du Code civil du Québec s’étend au contexte du bail résidentiel. Cette obligation comprend également le fait d’aviser le locateur le plus rapidement possible d’un problème afin d’éviter l’aggravation dudit problème par la suite.[37]
11. Remettre le logement dans son état initial (art. 1890 C.c.Q. et art. 1891 C.c.Q.)
À la fin du bail, le locataire est tenu de remettre le logement dans l’état dans lequel il l’a reçu, mais n’est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l’usure normale ou d’une force majeure.[38]
Une présomption existe à l’effet que le locataire a reçu le bien en bon état. C’est au locataire de repousser cette présomption par tous moyens. L’idéal est de bien documenter la scène lors de la réception du bien. Le locataire peut prendre des photos, ce qui aide grandement à réduire le débat à la fin du bail.
Sans documentation adéquate, le locataire se retrouvera dans une position de faiblesse, étant à la merci de la présomption légale.
Dans Germano c. Gauthier, les locataires soutiennent que les défectuosités dénoncées par le locateur étaient présentes lors de l’emménagement. Or, les locataires n’avaient nullement documenté la scène lors de leur arrivée. Dans ce cas, la présomption de l’article 1890 C.c.Q. l’emporte.
L’obligation de remettre le logement dans son état initial s’étend également aux constructions, plantations ou ouvrages que le locataire a pu faire pendant son bail.
S’ils ne peuvent être enlevés sans détériorer le bien, le locateur peut conserver ces améliorations en en payant la valeur au locataire ou forcer ce dernier à les enlever et à remettre le bien dans l’état ou il l’a reçu.
Si la remise en l’état est impossible, le locateur peut les conserver sans indemnité. [39]
Il est conseillé aux parties de conclure une entente claire avant de s’engager dans des travaux majeurs.
12. Enlever ses effets mobiliers (art. 1978 C.c.Q.)
Abondant dans le même sens que l’obligation mentionnée au point précédent, le locataire doit, à la fin du bail, enlever tous les effets mobiliers autres que ceux du locateur. Si le locataire laisse des effets à la fin du bail ou après avoir abandonné le logement, le locateur en dispose suivant les règles prescrites au livre Des biens du Code civil du Québec.[40]
L’obligation pour le locataire emporte une obligation pour le locateur de se soumettre aux dispositions prévues au livre Des biens du Code civil du Québec. Bien qu’un locataire n’ait pas le droit de laisser des meubles dans le logement après l’expiration du bail, le locateur ne peut pas en disposer comme bon lui semble. Certaines règles s’appliquent.
Dans Pelletier c. Vallière, les locataires ont tardé à compléter leur déménagement. Tellement que le locateur a changé les serrures le 2 juillet et a mis les meubles restants à la rue. Bien que les locataires ont contrevenu à l’article 1978 C.c.Q., le locateur a agi illégalement en portant atteinte aux droits des locataires. Des dommages-intérêts d’une valeur d 2 500$ ont été accordés aux locataires ainsi que 500$ pour redressement punitif.[41]
[1] Art. 1903 C.c.Q.
[2] Art. 1566 C.c.Q.
[3] Art. 1904 C.c.Q.
[4] Fabre c. Reeves, 2010 QCCQ 8322
[5] Tremblay c. Compagnie Montréal Trust du Canada, 1996 CanLII 4287 (QC CQ)
[6] Lizotte c. Marceau, [1996] J.L. 356 (R.L.).
[7] GAGNON, Pierre et Isabelle JODOIN, Louer un logement, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012
[8] Fauteux c. Arbour [1994] J.L. 185 (R.L.).
[9] Pesant c. Corbeil, 2004 QCCQ 35331
[10] 2334-2801 Québec Inc. c. White, 2008 QCCQ 11507
[11] Art. 1856 C.c.Q.
[12] Art. 1922 C.c.Q.
[13] Poirier c. Brito, [2001] J.L. 43
[14] S.E.E. 1570-3505 Immobilière c. Demirdogan, 2017 QCRDL 41417
[15] Art. 1911 C.c.Q.
[16] Bouthillier c. Gelber, J.E. 86-893
[17] Appartements Windsor Inc. c. Bowers, J.E. 90-691
[18] S.E.C. 4906 c. Titane, [2003] J.L. 183
[19] Henri c. Michaud, [2000] J.L. 125
[20] Art. 1865 C.c.Q.
[21] Arts. 1922 à 1929 C.c.Q.
[22] Zaveco ltée c. Paterson, [2002] J.L. 236
[23] Cedar Investment Inc. c. Albergel, [2004] J.L. 301
[24] Art. 1857 C.c.Q.
[25] Ibid
[26] Art. 1931 C.c.Q.
[27] Art. 1932 C.c.Q.
[28] Art. 1933 C.c.Q.
[29] Vairo c. Demers, J.E. 97-209
[30] Feldman c. Anick, [2002] J.L. 91
[31] Massicotte c. Simon, [2001] J.L. 5 (R.L.).
[32] Durocher c. Gestion immobilière Solitec, [2002] J.L. 87 (R.L.).
[33] Art. 1860 C.c.Q.
[34] Résidence Soleil (Manoir Laval) c. Boyer, 2011 QCRDL 36091
[35] Art. 1866 C.c.Q.
[36] Habitations Desjardins du centre-ville c. Lamontagne, [1996] J.L. 393
[37] Cabral c. Lemire, [2005] J.L. 91 (R.L.).
[38] Art. 1890 C.c.Q.
[39] Art. 1891 C.c.Q.
[40] Art. 1978 C.c.Q.
[41] Pelleter c. Vallière, [1998] J.L. 310 (R.L.).