Obligations du locateur dans un bail résidentiel

Avocats situés à Laval

Principales obligations du locateur en contexte de bail résidentiel

1. À la date convenue, le locateur doit délivrer le logement en bon état de réparations, d’habitabilité et de propreté (art. 1854 al 1, art. 1910 et art. 1911 C.c.Q.)

La délivrance du logement en bon état de réparations, d’habitabilité et de propreté est une des principales obligations du locateur dans le cadre d’un bail résidentiel. Le locateur doit permettre l’occupation du logement à la date convenue au bail. 

Lorsque le locateur effectue des travaux pour le logement, il doit remettre celui-ci en bon état de propreté.

On remarque toutefois une certaine tolérance appliquée par la Régie du logement lors des multiples chevauchements de locataires qui se produisent le 1er juillet lors du déménagement annuel.

Le locateur doit tout de même agir avec une célérité raisonnable et s’entendre avec le locataire concerné afin de réduire les inconvénients au strict minimum. Dans une décision rendue par la Régie du logement, un locateur n’a pas été en mesure de livrer le logement loué avant le 6 juillet en raison de nombreuses défectuosités. Malgré la tolérance parfois remarquée, il a été décidé dans ce cas que le locateur n’avait pas démontré la tentative de réduire les inconvénients au maximum.[1]

Qu’est-ce qu’un logement en bon état d’habitabilité et de propreté? Les tribunaux appliquent la norme de la personne raisonnable et analysent la situation d’un point de vue objectif. Chaque situation doit être évaluée indépendamment.

2. Procurer la jouissance paisible du logement (art. 1851, art. 1854 al 1 et art. 1859 C.c.Q.)

L’obligation de procurer la jouissance paisible du logement au locataire est une obligation de résultat qui s’impose pendant toute la durée du bail. Contrairement à une obligation de moyens, un locateur ne pourra se soustraire à son obligation en plaidant avoir pris tous les moyens à sa disposition pour régler le problème. Seule une force majeure pourra permettre au locateur de se soustraire à une obligation de résultat. Cependant, tel que nous le verrons plus tard, l’obligation de procurer la jouissance paisible du logement s’analyse souvent sous l’angle d’une obligation de garantie.

La notion de jouissance paisible est très large et peut toucher plusieurs facettes de la vie dans un logement. On parle notamment de la présence de vermines, de punaises de lit, de bruit excessif, de réparations qui ne terminent pas, d’infiltration d’eau, etc.

L’obligation pour le locateur d’éliminer la vermine et les insectes est une obligation de garantie. Il ne suffit pas pour le locateur de faire la preuve qu’il a pris tous les moyens nécessaires pour éliminer ces insectes. Il doit réussir.[2]

Un locataire qui a été incommodé par la réparation de stationnements intérieurs pendant 2 ans a été dédommagé puisque privé d’un droit de jouissance normal.[3]

La jouissance paisible des lieux loués peut également être affectée par le comportement abusif et vexatoire du locateur. En effet, une locatrice a été condamnée à payer 10 000$ en dommages-intérêts moraux ainsi que 5 000$ en dommages-intérêts punitifs à une locataire en raison de son comportement « abusif et vexatoire ». La locatrice aurait entamé des procédures judiciaires à répétition, aurait coupé le courant chez la locataire, n’aurait pas bien entretenu le logement, etc.[4]

Qu’en est-il de la perte de jouissance occasionnée par le fait d’un tiers?

L’art. 1859 du Code civil du Québec stipule que le locateur n’est pas tenu de réparer le préjudice qui résulte du trouble de fait qu’un tiers apporte à la jouissance du bien; il peut l’être lorsque le tiers est aussi locataire de ce bien ou est une personne à laquelle le locataire permet l’usage ou l’accès à celui-ci. L’article veut aussi que le locataire conserve toutefois ses autres recours contre le locateur si la jouissance du bien en est diminuée, qu’il s’agisse du fait d’un tiers ou pas.

Prenons un exemple simple afin d’illustrer ce concept : le bruit excessif.

Si le bruit excessif provient du voisin locataire du même locateur, ce dernier sera responsable et pourra être poursuivi pour des dommages et intérêts.

Si le bruit excessif provient d’un chantier de construction sur le terrain d’un voisin qui n’a aucun lien contractuel avec le locateur, le locateur ne sera pas tenu responsable de réparer le préjudice subi par le locataire. Néanmoins, si la jouissance du logement se voit diminuée par ce bruit excessif, le locataire pourrait tout de même obtenir une diminution de loyer ou une résiliation du bail.[5]

La tentative du locataire pourrait cependant échouer si, par exemple, le bruit excessif provient du bar voisin alors que le locataire savait qu’il y avait un bar lors de la conclusion du bail.

Notons que le locataire devrait toujours envoyer une mise en demeure au locateur afin de lui permettre de corriger la situation. Le fait de ne pas permettre au locateur de corriger la situation peut faire échouer le recours, selon une certaine jurisprudence.

Chaque cas est un cas d’espèce qui se doit d’être évalué par un avocat.

3. Maintenir le logement en bon état d’habitabilité et de propreté (art. 1910 et art. 1911 C.c.Q.)

Nous avons traité de cette obligation plus haut en discutant de la délivrance du bien loué à la date convenue dans le bail. Cette obligation s’étend et s’impose pendant toute la durée du bail.

Non seulement le logement doit-il être propre à l’habitabilité et en bon état de propreté, mais il doit également être conforme en tout temps pendant la durée du bail aux diverses normes édictées par les pouvoirs publics. Par exemple, les règlements relatifs à la salubrité, Codes du bâtiment et du logement, etc.

4. Maintenir le logement propre à l’habitation (art. 1913 C.c.Q.)

Le logement propre à l’habitation constitue une notion différente du logement en bon état d’habitabilité et de propreté. On peut voir la notion de « propre à l’habitation » comme étant une exigence supérieure, voire plus sévère.

C’est l’article 1913 du Code civil du Québec qui, dans son deuxième alinéa, stipule qu’est impropre à l’habitation le logement dont l’état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré comme tel par le tribunal ou par l’autorité compétente.[6]

La différence entre « inhabitable », « insalubre » et « impropre » est cruciale. En effet, c’est seulement lorsque le logement est impropre à l’habitation que le locataire est en droit de l’abandonner.[7]

Il faudra évaluer les faits à la lumière de la loi et de la jurisprudence afin de déterminer si un logement est en effet impropre à l’habitation.

Un locateur qui coupe l’électricité au mois de mars a été jugé comme étant excessif. Le logement a alors été qualifié d’impropre à l’habitation et le locataire était donc en droit d’abandonner le logement.[8]

Il faut cependant que la menace sérieuse dont fait mention l’article 1913 C.c.Q. provienne du logement lui-même et non d’un tiers. Des locataires ont cru bon d’abandonner les lieux loués suite au comportement fautif d’un voisin. Ils craignaient peut-être pour leur santé, certes. Cependant, le logement était en parfait état de propreté et d’habitabilité et ils n’étaient pas en droit de l’abandonner sans décision judiciaire.[9]

Dans une autre décision de la Régie du logement, une locataire s’est vue reconnaître le droit d’abandonner le logement suite à une infestation persistante de punaises. En effet, l’infestation représentait une menace sérieuse pour sa santé.[10]

5. Garantir que le logement puisse servir à son usage normal et l’entretenir à cette fin durant toute la durée du bail (art. 1854 al 2 C.c.Q.)

Le locateur a l’obligation d’assurer que le logement puisse convenir à son usage normal, soit l’habitation résidentielle, et ce, pendant toute la durée du bail. Se voit greffée à cette obligation, l’obligation d’entretenir le logement à cette fin également.

Cette obligation en est une d’ordre public et il n’est donc pas possible d’y déroger dans le bail.

Lorsqu’on invoque cette obligation, celle qu’on appelle la garantie d’aptitude, on parle généralement d’un problème majeur.

Par problème majeur, on entend par exemple, un problème de chauffage en hiver ou une infiltration d’eau majeure.

Alors qu’un locataire peut accepter certains empiètements sur la jouissance paisible de son logement, les défauts auxquels on fait référence dans la garantie d’aptitude ne sont pas susceptibles d’être acceptés par le locataire. Le locateur doit alors corriger la situation.

Dans Godbout c. Gaudette, on traite d’une infiltration d’eau majeure. Le locateur est toujours responsable des dommages subis par le locataire, qu’il s’agisse d’un problème connu par ce dernier ou pas.[11]

6. Faire toutes les réparations nécessaires, sauf celles à la charge du locataire (art. 1864 C.c.Q.)

L’article 1864 du Code civil du Québec stipule que le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l’exception des menues réparations d’entretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu’elles ne résultent de la vétusté du bien ou d’une force majeure.

Il s’agit ici d’une obligation de résultat et non seulement de moyens.

Les termes problématiques de l’article cité ci-dessus sont « menues réparations d’entretien » qui doivent être exécutées à la charge du locataire. Cette expression fait l’objet d’une jurisprudence plutôt contradictoire. Chaque situation est un cas d’espèce et devra être laissée à l’appréciation du tribunal.

Voyons quelques exemples tirés de la jurisprudence.

La remise en état d’une laveuse et d’une sécheuse fournies avec le logement est à la charge du locateur.[12]

Un locataire a tenté de faire payer le sablage et vernissage des planchers du logement au locateur, sans succès. En effet, le tribunal a statué que l’apparence des planchers n’était pas reliée à l’habitabilité du logement et que les égratignures résultaient de l’usage normal du plancher par la famille du locataire.[13]

Il est important de noter qu’un locataire peut également exiger que des réparations soient effectuées dans les aires communes de l’immeuble.[14]

7. Ne pas changer la forme ou la destination du logement (art. 1856 C.c.Q.)

« Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué ».[15]

Les parties impliquées au bail ont l’obligation de conserver l’aspect général de l’espace loué. Un locataire ne peut pas, unilatéralement, décider d’abattre des murs, d’ouvrir le plafond ou de changer l’apparence du logement de façon extrême.

Si le locataire décide tout de même de contrevenir à cette disposition, il s’expose à voir son bail résilier en plus d’être condamné à des dommages-intérêts en faveur du locateur pour réparer le préjudice subi.

L’article 1922 du Code civil du Québec accorde cependant au locateur le droit d’effectuer des améliorations ayant un caractère permanent.[16]

Quant à la destination du logement, dans notre cas, on parle d’un logement qui doit servir exclusivement à l’habitation, sous réserve d’une entente entre les parties.

Le bail a été résilié dans Poirier c. Brito après qu’un atelier de céramique ait été aménagé dans le logement, changeant ainsi la destination des lieux loués.[17]

Dans une récente décision rendue par la Régie du logement, un locateur demande la résiliation du bail basé sur l’article 1856 du Code civil du Québec parce que le locataire sous-loue son appartement sur Airbnb sans avoir au préalable obtenu le consentement du locateur, contrevenant aussi à l’article 1870 du Code civil du Québec. Il a été jugé que le locateur en subissait un préjudice sérieux et le bail a été résilié pour cause que la destination du logement avait été changée par les agissements du locataire.[18]

[1] Danis c. Thibodeau, [1992] J.L. 132 (R.L.).

[2] Di Giambattista c. Mohanarajan, [1996] J.L. 302 (R.L.).

[3] Royale Westmount Apartments c. Herscovitch, J.E. 98-912

[4] Doyon c. Goulet, 2011 QCCS 6223

[5] Les Habitations Desjardins du centre-ville c. Lamontagne [1996] R.J.Q. 2753

[6] Art. 1913, Code civil du Québec

[7] Art. 1915, Code civil du Québec

[8] Immeubles Ratelle et Ratelle Inc. c. Perreault, [1995] J.L. 152

[9] Foster c. Beaulne, [1998] J.L. 333

[10] Zelechowska c. Loyer, 2012 QCRDL 17888

[11] Godbout c. Gaudette, [1996] J.L. 302 (R.L.).

[12] Henri c. Michaud, [2000] J.L. 125 (R.L.).

[13] S.E.C. 4906 c. Titane, [2003] J.L. 183

[14] El-Ariss c. Centre Place L’acadie, [2003] J.L. 221 (R.L.).

[15] Art. 1856, Code civil du Québec

[16] Art. 1922 C.c.Q.

[17] Poirier c. Brito, [2001] J.L. 43

[18] S.E.E. 1570-3505 Immobilière c. Demirdogan, 2017 QCRDL 41417

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